Ainsi, selon ce même journaliste allemand – probablement informé par des sources officielles françaises, il est vrai –, les autorités françaises feraient « tout pour faire naître un rapprochement entre les deux parties (travailleurs français et allemands) »[484]. Il est probable que ces travaux devraient, par ailleurs, recourir à une approche historique pluridisciplinaire, cet objet d'étude faisant autant appel à l’histoire économique et sociale qu’à l’histoire politique et culturelle. Il n’existe donc pas aujourd’hui d’ouvrages francophones à même d’offrir une vision exhaustive de cet épisode unique de l’histoire de France. Même si les autorités ne vont pas jusqu’à créer des camps spéciaux pour cette catégorie de prisonniers comme le leur recommandait le Comité international de la Croix-Rouge, elles ont suivi pour l’essentiel l’avis de la Croix-Rouge. Mais la raison pour laquelle les PG n’ont pas été affectés davantage à cette tâche est simple : la pénurie de matériaux. C’est une vérité à entendre et redoutable à dire mais comment nous taire ? La question est plutôt de savoir à qui les prisonniers pouvaient s’adresser pour faire respecter leurs droits. D’après cette même source, ce sont les Britanniques qui ont eu eux-mêmes l’intention de livrer ces hommes aux Français en vue de la reconstruction et du déminage[83]. De telles « attaques » sont probablement loin d’être des cas isolés. Selon les milieux diplomatiques, la pression constante exercée par les autorités américaines tient à plusieurs raisons[382]. Ironie de l’Histoire, on relance même la production de 20 000 vestes précédemment commandées par les Allemands désormais devenus prisonniers[98]. Archives nationales contemporaines de Fontainebleau (archive citée par Grégory Philippe), 770623/86, Courrier du Ministre du Commerce, de la Reconstruction et de l'Urbanisme au ministre des Affaires étrangères, 3 juillet 1947. De fait, mémoire et identité collectives s’entretiennent l’une et l’autre et par là même, modifient donc mutuellement et constamment le contenu de l’une et de l’autre[499]. C’est seulement lorsqu’on a traversé le Rhin, qu’on a compris qu’on nous avait trompés. Or il leur fallait désormais vivre dans un monde en paix et abandonner l’uniforme. En printemps 1948, les autorités militaires, par la voix du général Buisson, proposent de nouveau de transférer temporairement des PGA détenus par les forces françaises en Autriche[470]. De façon répétée, on entendait un cri qui indiquait que quelqu’un avait été atteint »[129]. 58 000 optants ont été affectés à l’agriculture et répartis sur l’ensemble du territoire français – ce nombre ne surprend pas au regard des priorités économiques –, 18 000 à l’extraction minière et 10 000 à la métallurgie et aux industries dérivées. « Histoire et mémoire s’opposent. Dans un premier temps, ce service dépendra du Général chef de l’état-major général de l’armée avant d’être directement placé sous la tutelle du ministère de la Guerre. Sylvia Bjorkman, « Report on Camp "W": Internment Camp "100" North of Lake Superior in World War II », John O. Buffinga, « The War Prisoners’Aid of the. Il est donc, par là même, exclu d’y installer des familles allemandes. En 1947, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l’URSS décident de fixer au 31 décembre 1948 l’échéance pour le rapatriement de l’ensemble des PGA ainsi que de mettre en place un Conseil de Contrôle[387] réunissant les quatre puissances. cit., Archives nationales contemporaines de Fontainebleau – cote 770623/85, Note du ministre de la Défense nationale, « Situation de la main-d’œuvre prisonnière au 1/10/48 », 14 octobre 1948. Ses décisions sont d’autant plus importantes que la planification économique n’est mise en place en France qu’en 1948. En complément de ces deux effectifs, les autorités françaises souhaiteraient d’une part 450 000 prisonniers supplémentaires et d’autre part que les 100 000 prisonniers « inaptes » soient remplacés par 50 000 valides, nonobstant une situation du ravitaillement décrite comme « peu satisfaisante » par les Français eux-mêmes[168]. Quant à la reconstruction et aux travaux publics, s’ils semblent être une priorité dans un premier temps, on observe cependant que les effectifs décroissent assez rapidement. À titre de comparaison, les autorités françaises estiment qu’il y a en 1946 entre 12 000 et 18 000 libérations mensuelles, soit un rythme quasiment similaire à celui de 1947[467]. En tous cas, si la région a su rapidement panser ses plaies, la situation économique n’en restait pas moins précaire au moment où ont lieu, en mai et juin 1945, les premières arrivées massives de PG. À titre d’exemple, ce sont les services de renseignement américains qui contribuèrent à développer, en le finançant, le syndicat à tendance socialiste CGT-FO, et ce de manière à contrer le syndicalisme communiste. Le temps n’est pas encore venu d’envisager de faire des prisonniers étrangers une simple main-d’œuvre. Au demeurant, d’un point de vue strictement juridique, la position de la France est de moins en moins tenable au fil du temps : la convention de Genève stipule que la paix doit entraîner une libération immédiate des prisonniers de guerre. Ainsi, sans même en avoir averti les autorités françaises, les États-Unis transfèrent des centaines de milliers de PGA dans des camps sous contrôle américain en France ; certains PG traversent même plusieurs fois l’océan atlantique au gré des besoins économiques des pays demandeurs en prisonniers de guerre. Le soldat allemand 1939-1945 - Page 3 Crosse de Mauser Kar 98K Luftwaffe, CPA Première Armée Française Prisonniers allemands Gebirgsjäger. L’ennemi d’hier, l'Allemagne, peut devenir un allié potentiel face à un ancien allié soviétique désormais redouté, tant en France qu’aux États-Unis. Ils sont transportés à Marseille trois jours plus tard. Pourquoi cette différence de traitement entre les prisonniers rapatriés entre 1947 et 1949 et ceux rapatriés a posteriori ? Feldbluse - la vareuse de campagne du soldat allemand, 1933-1945 Les syndicalistes laissent « aux autres membres de la Commission la responsabilité d'un geste qui dénote de leur part, un manque de mémoire qu’[ils se]permettront d'apprécier et de juger ». Archives départementales du Nord (Lille) (archive citée Grégory Philippe), 57W43521/22, courrier du ministre du Travail aux ministres, commissaires de la République et à tous les responsables des PG, 29 septembre 1945. Ces employés sont eux-mêmes, dans les faits, des PG. En septembre 1947, le général Buisson estime néanmoins que d’ici à la fin de l’année, les trois quarts des PG démineurs seraient relâchés. On en a transformés 20 000 ! Archives du ministère des affaires étrangères (Paris) (archive citée par Grégory Philippe), Série Z 22, Courrier du ministère des affaires étrangères au ministre d’État chargé de la coordination des questions relatives aux prisonniers de guerre, 11 juillet 1946. Il est à noter tout de même une particularité soulevée par Fabien Théofilakis. Entre 1945 et 1948, près d’un million de prisonniers de guerre allemands (PGA) ont été détenus en France où ils ont contribué, par leur travail forcé, à la reconstruction de l’économie nationale. Tous les autres secteurs d’activité auxquels sont affectés les PG concernent dans leur grande majorité l’industrie ou les travaux publics. S’ils ont faim qu’ils repartent et restent là d’où ils viennent, ils ne comptent plus pour nous »[496]. En octobre 1948, à quelques semaines des dernières opérations de libération, la région militaire de Paris ne compte que 296 prisonniers quand l’avant-dernière région en termes d’effectif PG, celle de Rennes, en compte encore 1 247 et celle de Lille, 12 492[517]. L’emploi des PGA n’en a pas moins été limité, au Canada, à la seule province de l'Ontario et on ne dénombrera pas plus d’un millier de prisonniers affectés aux travaux des champs en 1945. Au printemps 1946 par exemple, l’archevêque de la National Catholic Welfare_Council (National Catholic Welfare Conference) alerte l’ambassadeur français à Washington sur le sort des prisonniers internés au camp de Barlin, dans le Pas-de-Calais[383]. Ils étaient morts de faim depuis le dernier appel, avec des œdèmes visibles provoqués par la faim. La courbe « Agriculture » poursuit sa chute – à raison d’une diminution mensuelle des effectifs comprise entre 10 et 20 %[277] - alors que, comme il l’apparaît sur les graphiques 2 et 5, les effectifs des mines connaissent une baisse beaucoup plus modérée : l’extraction continue d'apparaître comme le grand secteur d'affectation prioritaire. On dénombre alors, en Afrique du Nord, 65 000 prisonniers de guerre dont 25 000 Allemands. L’aide à l’intégration des autorités ouest-allemandes s’accompagne d’aides financières. Ainsi l’État-major allié négociait-il déjà avec les Français les accords de la Chase Bank que le gouvernement américain n’avait pas encore donné son aval au principe des livraisons de prisonniers. On peut néanmoins supposer que parmi les 50 000 anciens prisonniers demeurés en France en 1949 à l’issue de leur contrat de travail, un nombre non négligeable a pu le faire choix de demeurer définitivement sur le sol français et que, de fait, le chiffre de 30 000 hommes avancé par Egon Greisner n’est pas invraisemblable. Pour ces régions, le gouvernement décide de substituer les travailleurs allemands manquants par de la main-d’œuvre hongroise et italienne. Les manquements à leurs obligations commises par les anciens employeurs de PG constituent néanmoins et probablement davantage un problème juridique, sinon moral, qu’un véritable manque à gagner pour l’État. Nous étions nuit et jour dans la boue jusqu’aux genoux », « Notre quartier général est confronté à des difficultés considérables pour établir une base adéquate des rations destinées aux prisonniers de guerre actuellement détenus au sein du théâtre. Référence L20160186. Dans les camps miniers et de déminage, nous l’avons vu, un « homme de confiance » était démocratiquement élu. La présence de centaines de milliers de prisonniers de guerre allemands en France entre 1945 et 1948 apparaît d’abord comme un épisode complexe et peu étudié, épisode qui nécessiterait probablement de nouveaux travaux de recherche qui viendraient compléter le faible nombre de ceux qui lui ont été consacrés jusqu'à présent. Sell one like this. Depuis les années 1990, c’est le phénomène inverse, celui de l’hypermnésie, qui a succédé à ces deux premières phrases. Elle a forgé ses propres armes et codifié ses lois. Archives nationales contemporaines de Fontainebleau (archive citée par Grégory Philippe), 770623/89, courrier du ministre de l’Économie au ministre du Travail, 8 avril 1947. Aussi, bien que l’apport économique des PG soit difficilement quantifiable à partir des sources aujourd'hui exploitées, on peut affirmer, sans se tromper, qu’il a été indispensable à cette France alors en pleine crise économique. De plus, la France n’est pas la seule à faire appel à la main-d’œuvre prisonnière pour ses opérations de déminage : les Pays-Bas ont employé eux aussi près de 3 000 PGA à cette tâche[216]. Cette méfiance envers l’ancien occupant est surtout palpable au sein des forces de l’ordre : police, gendarmerie, armée. Soulignons que ses membres se composent essentiellement d’anciens déportés, prisonniers de guerre et proches de fusillés. Helmut Evers se souvient également d’avoir parfois été accueilli par certains civils, au salut nazi. Le bruit qui courait dans le camp : « on va libérer des gens » s’avéra vite être un bobard. Ces chiffres semblent plus vraisemblables. Aussi la région de Lille devient-elle, dans les archives, la 2e région militaire et non plus la première comme elle l'avait été jusqu'alors. Il suggère la mise en place de commissions franco-américaines à même de superviser les futurs transferts ainsi que le rapatriement de tous les inaptes avant l’hiver. Certains d'entre eux seront cités dans cette section, notamment deux des plus sérieux : le différend opposant le ministre du travail à celui des finances sur la légitimité de l’indemnité compensatrice et le différend ayant opposé l’ensemble des ministres à celui de la Reconstruction, du Commerce et de l’industrie. Le général aborde rapidement la question du bilan économique : « il est évidemment positif, puisqu’il est représenté par les centaines de milliers de travailleurs de PG qui ont fourni à la France des centaines de millions de journées de travail. Ancien prisonnier de guerre en Ille-et-Vilaine, Johannes Sticker évoque, dans ses mémoires, un souvenir tout aussi éloquent : « Je me souviens (...) de Hens qui était au service d’un autre paysan nommé H., chez qui il suppléait également le mari, pas très puissant, auprès de la belle paysanne, avec le consentement des deux parties, paraît-il »[145]. Pero el interior estaba perfecto. Ailleurs, les propos d’un militant local du Mouvement républicain populaire en Normandie vont dans le même sens[335]. Mais il faut en retenir qu’il est difficile d’évaluer précisément le nombre des PG en France entre 1945 et 1947 à partir des seules sources officielles. Archives nationales contemporaines de Fontainebleau (archive citée par Grégory Philippe), 770623/84, expéditeur probable : Ministère du Travail, « Bilan au 31/10/48 d recouvrement de l'IC pour l'emploi des PG », 31 octobre 1948. Au printemps 1948, de nombreux PG demandant à s’engager comme travailleurs libres mais pour une durée moindre qu’une année – ils savent qu’en tant que prisonniers, ils sont libérables au plus tard le 31 décembre –, le ministre du Travail ne s’oppose plus à ce que soient offerts des contrats de Travail libre compris entre 9 et 12 mois. Au cours de l’été 1947, un certain nombre de députés adressent ainsi, à leurs collègues susceptibles de pouvoir les aider, des demandes de dérogations[232], des demandes qui se soldent majoritairement par des refus[233]. En 1948, la nouvelle immigration massive qui se met en place apparaît en effet, sur le plan économique, aussi indispensable que l’a été la venue et la mise au travail forcé des prisonniers allemands en 1945. Jonathan F. Vance, « Men in Manacles: the Shacking of Prisoners of War ». C’est une souffrance supplémentaire à endurer. Encore n’est-il libéré en vue de sa réintégration dans un nouveau dépôt qu’après avoir été passé une dernière fois à tabac par un officier du fort. Les chiffres cités par le général Buisson sont corroborés par d’autres estimations fournies par le Ministère du travail. J’ignore à quelle période a pris fin cette campagne de recrutement. Faute de sources, il ne sera pas fait ici mention de la place qu'occupe dans la mémoire allemande l'épisode de la détention des PG allemands dans la France de l'après-guerre. Ces Allemands ont-ils été un facteur clef du redressement économique français ou n’ont-ils constitué qu’une main-d’œuvre d’appoint ? Archives nationales contemporaines de Fontainebleau (archive citée par Grégory Philippe), Côte 770623/88, Courrier de M. Guérard, Ministère du Travail, au ministre de l’agriculture, « Habillement des PG », 12 mars 1947. Leur cas sera pour leur part examiné par les ministères du Travail, de l’Intérieur et des Forces armées. Pour toutes ces raisons, la réinsertion dans la nouvelle société allemande – à l’Ouest comme à l’Est – a été difficile. Rien a dire : de très bonnes et nombreuses illustrations, une analyse très détaillée du sujet, un ouvrage de grande qualité pour les passionnés du sujet. Dans le cas contraire, les rapports de police déposés aux archives n’auraient pas manqué de le signaler. Il n’est pas improbable que le commando de Forst Husshöler ait lui aussi été concerné par cette pratique. MO. Selon un article paru dans la Voix du Nord en février 1948[457], les nouveaux travailleurs sont d’origines très diverses : Baltes, Autrichiens, Allemands, Italiens, Kabyles, Marocains. Malgré la campagne de presse nationale qui permit d’exposer au grand jour la situation des prisonniers, les difficultés persistaient encore au cours du dernier trimestre de l’année 1945. cité, Service Historique de l’Armée de Terre (Vincennes) (archive citée par Grégory Philippe), 7 P 40, courrier du colonel Basseres, commandant régional des PGA de la, Service Historique de l’Armée de Terre (Vincennes) (archive citée par Grégory Philippe), 7 P 40, courrier du colonel Traitot, directeur régional des PGA de la, Archives départementales du Nord (Lille) (archive citée Grégory Philippe), 27W38347/1, courrier du commandant de la. Le général de Gaulle lui-même fait allusion à cette question cruciale dans un discours prononcé le 3 mars 1945 devant l’Assemblée consultative[11]. En premier lieu, la mortalité élevée n’est plus à l’ordre du jour[323]. L’une des plus importantes mesures décidées par le gouvernement est la création d’une Commission interministérielle relative aux problèmes des prisonniers de guerre. Archives nationales contemporaines de Fontainebleau (archive citée par Grégory Philippe), 770623/85. C’est ce qui est détaillé dans la section suivante. En cela, son propos ne dédaigne pas l’omission, voire le cynisme. « Pendant de longs mois et de longues années dans les camps de prisonniers, à côté de la faim, des rumeurs faisaient autorité en réapparaissant toujours, de temps en temps, chez les prisonniers pour les déprimer ou les décourager.